Après dix ans à l’international, Herbert Guedegbe a pris les fonctions de directeur général du LFB Biomanufacturing et de directeur du site d’Alès, dans le Gard, avec un regard neuf et entreprenant pour la Bioprod française ! Présent avec ses équipes au prochain Congrès France Bioproduction, dont le LFB est sponsor Platinium, et engagé au sein de France BioLead, Herbert Guedegbe partage l’ambition du groupe français à être un véritable fer de lance de l’innovation biotech « made in France » pour renforcer la souveraineté sanitaire et industrielle.
Quel a été votre parcours ?
J’ai fait des études d’ingénieur que j’ai complétées avec une thèse en biochimie, biologie cellulaire et moléculaire. J’ai commencé ma carrière dans le vaccin et j’y suis resté ! Cela comprend entre autres une dizaine d’années chez GSK en Suisse, en Belgique, au Canada et en Italie, sur des postes globaux, régionaux et sur site, et des fonctions industrielles, qui vont des opérations à la qualité et au management de projets. Juste après la covid, j’ai opté pour un poste de Directeur des Opérations de thérapies cellulaires à Amsterdam pour la start-up Kiadis Pharma, rachetée par Sanofi. Fort de ces expériences professionnelles à l’étranger, je suis revenu en France pour prendre les fonctions de directeur général du LFB Biomanufacturing et de directeur du site à Alès, dans le Gard. Une nouvelle aventure dans laquelle je suis pleinement engagé depuis 15 mois !
Quelle est la spécificité du site du LFB Biomanufacturing d’Alès ?
C’est un site qui appartient au groupe LFB, entreprise biopharmaceutique français leader dans le développement et la production de biothérapies issues des dérivés du plasma et de protéines recombinantes, dans trois axes thérapeutiques majeurs : hémostase, immunologie et soins intensifs. Le site d’Alès est spécialisé dans la production d’anticorps monoclonaux et de protéines recombinantes. Grâce à notre statut de CDMO, nous mettons à disposition des capacités pour des tiers, notamment des start-ups et des biotechs, intéressées par nos compétences dans le développement des lignées cellulaires très en amont jusqu’à la production de lots cliniques et commerciaux, mais aussi la mise au point de méthodes et services analytiques. En parallèle, nous avons développé une activité de production en propre pour un produit recombinant, le facteur VII activé du LFB, commercialisé sur le marché américain et en Europe. Notre site est ainsi homologué par la FDA depuis 2020.
Quel accompagnement de proximité proposez-vous aux start-ups et sociétés biotechs ?
Nous commençons à travailler sur les projets très en amont pour développer le clone, la lignée cellulaire, le procédé de production à petite échelle, puis à grande échelle afin de garantir un scale-up linéaire de l’innovation. Nous utilisons des bioréacteurs, dont la capacité varie de 15 millilitres à 2000 litres en production. Nous évoluons ainsi sur différents équipements pour caractériser et développer la molécule, mettre au point les méthodes et bioprocédés, avant de réaliser la phase pilote sur des bioréacteurs de 50 litres, puis de passer à l’étape de production GMP sur des bioréacteurs de 250 et 2000 litres. En parallèle, nous avons des équipements analytiques qui permettent de réaliser un large panel de tests et de développer les méthodes analytiques qui soutiendront le bioprocédé. Grâce à ces services intégrés, LFB Biomanufacturing se positionne comme un CDMO « One-Stop-Shop » auprès de ses clients.
Quelles sont les dernières évolutions sur votre site ?
Nous avons conduit un investissement important de 20 millions d’euros sur notre site, soutenu par Bpifrance dans le cadre de France 2030. L’objectif est à la fois d’étendre les capacités et les technologies disponibles pour accompagner à 100% l’innovation biotech. Notre site est pour l’instant limité à deux bioréacteurs de 1000 et 2000 litres dont le dernier est en cours d’installation. En complément, notre projet d’investissement vise à acquérir deux bioréacteurs de 2000 litres à usage unique, puisque nous sommes pionniers dans cette technologie, mais aussi d’acquérir des équipements de développement, de production et de contrôle analytique supplémentaires. Pour accompagner la croissance, le projet intègre également l’extension de la surface de production et de stockage ainsi que de nouveaux laboratoires pour offrir un service optimal aux start-ups. En 2026, nous aurons doublé à la fois nos capacités de production et nos équipements technologiques.
Avec cet investissement majeur, quels sont vos objectifs ?
Nous accompagnons de nombreuses start-ups dont la plupart sont françaises. C’est notre marque de fabrique puisque nous sommes un groupe biopharmaceutique tricolore qui souhaite agir pour la réindustrialisation de l’innovation dans l’Hexagone et le renforcement de la souveraineté sanitaire et industrielle. Après la covid, les biotechs françaises ont fait face à de nombreuses difficultés de financement et de levées de fonds pour développer leur molécule vers les étapes cliniques. Nous avons la volonté de nous positionner comme un acteur majeur dans le développement d’un biomédicament, des étapes très amont jusqu’aux premiers lots cliniques et commerciaux, pour reconquérir notre souveraineté et remplir l’objectif de France 2030 de produire 20 biomédicaments en France d’ici 2030. Nous accompagnons des sociétés dans leur développement depuis déjà 5 à 6 ans et d’autres viennent d’arriver. Au fil des années, on s’implique davantage dans le développement de leurs innovations destinées aux patients français, notamment dans les domaines du cancer, de l’immunothérapie et des maladies infectieuses.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur l’innovation technologique en Bioprod ?
Le LFB Biomanufacturing est pionnier dans la technologie à usage unique qui permet de réduire les risques en termes de contamination croisée, en évitant d’avoir recours à des cuves en acier inoxydable à nettoyer et désinfecter avant chaque utilisation. Aussi et surtout, l’usage unique permet une flexibilité très importante dans la vie d’une biotech, dont le critère clé est la rapidité d’accès au marché pour l’innovation. La volonté est de rester sur cette technologie d’avenir, en utilisant la dernière génération de bioréacteurs et en augmentant le volume des poches à usage unique à 2000 litres. C’est un élément très différenciant en termes de sécurité, de productivité et d’efficacité pour notre site. Par ailleurs, nous avons créé un pôle innovation au sein du LFB Biomanufacturing pour garantir d’être en permanence à l’avant-garde des technologies nouvelles, augmenter notre qualité de service et réduire les coûts de production.
Quels sont les autres points forts de votre site ?
Un autre point fort est d’être positionné à la fois sur la production classique dite en Fed batch, mais aussi des technologies plus avancées de production continue (USP et DSP), les deux répondant à des besoins différents pour nos clients. La production continue s’adapte à des petits volumes à récolter le plus souvent possible, tandis que le Fed batch concerne plutôt des gros volumes à récolter moins souvent. On peut aussi mixer les technologies : produire en Fed batch et réaliser la purification en mode continu, réduisant ainsi le volume de tampons à utiliser, tout en purifiant des produits à rendement élevé. L’évolution vers les procédés en continu est la tendance dans l’industrie, que cela concerne les procédés intensifiés, la perfusion, ou encore du DSP en continu. C’est pourquoi – lors du Congrès France Bioproduction – les équipes du LFB Biomanufacturing animeront un atelier sur les défis et atouts d’installer un système continu en amont avec ses partenaires, notamment Sartorius et Repligen.
Un autre axe de travail sur notre site concerne les systèmes d’expression alternatifs destinés au développement de molécules complexes, notamment bispécifiques et ADCs (Anti-Drug Conjugates). Nous essayons d’avoir une offre différenciée de technologies, c’est la clé pour accompagner les biotechs sur tous leurs besoins !
Comment voyez-vous votre site évoluer en 2024 ?
A l’issue de nos investissements, notre effectif devrait passer de 80 à 130 personnes, dont une cinquantaine liée à l’extension capacitaire. Nous sommes en phase intensive de recrutement sur tous les types de profils : ingénieurs bioprocédés, techniciens de production, ou de contrôle qualité, développement de procédés, service analytique, et business développement. Ce qui est un défi dans notre région. Nous favorisons l’alternance pour former nos futurs talents à nos métiers. Nous allons à la rencontre des écoles et universités, notamment à Montpellier et Nîmes, pour présenter les opportunités de carrière aux étudiants dans un secteur qui fait sens et ouvre de multiples portes pour se réaliser. L’industrie pharmaceutique est devenue « stratégique » post-covid. Notre site « made in France » souhaite être un fer de lance pour renforcer la souveraineté sanitaire et industrielle de notre pays. C’est pourquoi nous sommes engagés dans un projet de relocalisation de la clarification (première étape de la purification) de notre médicament recombinant, qui a lieu actuellement aux Etats-Unis, vers le site d’Alès. Cela va prendre quelques années pour aboutir avec l’objectif de produire ce médicament là où il a été développé, sur le territoire français.
Avec tous ces projets, comment vous projetez-vous sur les cinq prochaines années ?
C’est sûr, nous allons être très occupés ! L’enjeu est multiple : fournir des services de qualité à nos clients, produire en propre nos médicaments et concrétiser les projets de réindustrialisation et de relocalisation engagés dans le cadre de France 2030. La bonne nouvelle est que cet investissement de 20 millions d’euros va nous aider à franchir un palier pour pouvoir accompagner des sociétés mid-size françaises ou étrangères et apporter le soutien très en amont aux start-up et biotechs françaises, avant que celles-ci ne soient tentées de quitter notre pays. Notre ambition est d’en accompagner le plus grand nombre possible jusqu’aux premières phases cliniques de développement et de commercialisation. Si nos efforts aboutissent au lancement d’un des 20 biomédicaments prévus dans France 2030, ce sera la cerise sur le gâteau !
Comment votre partenariat avec Polepharma et Medicen vous aide-t-il dans vos développements actuels ?
La présence du LFB Biomanufacturing dans les organisations représentatives du tissu industriel français est essentielle afin d’aller à la rencontre des biotech et start-up françaises. L’objectif est de leur apporter des services de bioproduction en adéquation avec leurs besoins de médicaments innovants. De ce fait, nous sommes des partenaires de Polepharma ainsi que de Medicen, dont le LFB est membre depuis de nombreuses années. Nous sommes également très présents lors d’événements clefs du secteur, comme ce fut le cas aux Journées Polepharma du Biotesting à Evreux, en juin dernier, et au Medicen Day à Paris, en septembre dernier. Habitués de participer au comité d’organisation du congrès français de bioproduction Polepharma – Medicen, incluant la tenue du CFB 2024, nous partageons dans ce cadre notre expertise et savoir-faire dans la production de protéines thérapeutiques, tout en bénéficiant de la visibilité et du réseautage qu’apporte ce rassemblement incontournable des acteurs de notre filière française de bioproduction.
Comment le Congrès France Bioproduction 2024 va-t-il faire date, selon vous ?
C’est clairement un « immanquable » pour la filière de bioproduction française ! Nous associons systématiquement notre image au Congrès France Bioproduction Polepharma – Medicen. C’est pourquoi nous étions Sponsor Gold l’année précédente et avons décidé d’être Platinium cette année. C’est l’événement qui lance habituellement notre campagne de représentation commerciale et nous y sommes donc, chaque année, afin de partager nos innovations technologiques et également rencontrer les différents acteurs de la chaine de valeur du biomédicament. C’est d’ailleurs lors du dernier CFB 2023 que nous avons rencontré, pour la première fois, l’un des acteurs majeurs de la bioproduction, et cela a abouti à la signature récente d’un important accord de coopération en Allemagne ! C’est dire l’importance de ce congrès et des rencontres déterminantes qu’il permet dans la filière de bioproduction.
Quel bilan faites-vous de vos deux ans de retour en France ?
Je ne pouvais rêver meilleur moment pour revenir dans l’Hexagone après mes années d’expatriation ! Je suis arrivé quelques mois après la création de l’Agence de l’innovation en santé (AIS), le lancement du plan France 2030 et un peu avant la fédération de la filière au sein de France BioLead. C’est une chance pour moi d’apporter mon expérience des différents pays où j’ai exercé au service de la France. Le moment est propice pour accélérer, alors que les planètes industrielles et politiques sont alignées. Il ne faut pas craindre d’être innovant au-delà des technologies, dans la réglementation, le financement de l’innovation, … et de faire des choix, avec un chef d’orchestre comme France BioLead, pour apporter de la visibilité et concrétiser nos objectifs pour le secteur. Nous avons tous les talents, les technologies et l’écosystème en France pour réussir. Il faut juste y croire et se fédérer !
Est-ce le message à faire passer au Congrès France Bioproduction 2024 ?
Le LFB Biomanufacturing sera présent en force au congrès pour faire passer ce message fédérateur et d’union entre nous. L’enjeu étant de renforcer notre souveraineté sanitaire et industrielle. Je suis également co-leader d’un groupe de travail au sein de France BioLead qui porte sur le financement de l’innovation biotech et associe de nombreux acteurs : Pharma, CDMOs, sociétés biotechs, capital venture. L’objectif est de faire jouer l’intelligence collective entre nous pour construire une feuille de route et des recommandations afin de simplifier, flécher et soutenir le financement des acteurs en santé. L’union fait la force et c’est la seule solution, selon moi, pour faire contrepoids et compenser les milliards qui sont investis aux Etats-Unis. C’est en effet le message à transmettre largement, alors qu’un médicament sur deux lancé sur le marché est un biomédicament, soit la majorité du marché pharmaceutique de demain !
Propos recueillis par Marion Baschet Vernet